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Mort de fatigue... à cause de l'apnée

 

S'endormir au volant peut être fatal. Selon la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ), 19 % des accidents mortels et 23 % des accidents avec blessures corporelles sur nos routes seraient attribuables à la fatigue du conducteur.

 

Comparable à l'effet de l'alcool, la fatigue au volant est souvent causée par l'apnée du sommeil, qui touche 1 personne sur 20...

Doit-on retirer le permis de conduire aux gens qui souffrent d'apnée du sommeil? «Oui et non. Les apnéiques représentent un certain danger, mais il ne faut pas les mettre tous dans le même panier; ceux qui sont vraiment à risque de provoquer des accidents sont identifiables», répond Dorrie Rizzo, qui consacre un doctorat en sciences biomédicales à ce thème au Département de médecine de l'Université de Montréal.

Au terme de quatre années d'études et d'expérimentations, elle conclut qu'une distinction s'impose entre la somnolence et la fatigue résultant de l'apnée du sommeil. La somnolence, illustre-t-elle, est une envie plus ou moins irrésistible de dormir qu'on peut combattre en prenant une pause. Quand la fatigue s'empare du corps, c'est la vigilance qui est menacée. À 100 km/h, c'est très dangereux. «Le vrai problème, c'est la fatigue, qui concerne environ un apnéique sur deux. C'est la cible à laquelle on doit s'attaquer», dit la chercheuse, dont les travaux ont été financés par la SAAQ.

Pour tirer ses conclusions, l'étudiante a assis dans un simulateur de conduite 58 participants, dont la moitié souffrait d'apnée du sommeil. Ils devaient rouler pendant plus d'une heure après le dîner, un moment de la journée très à risque pour l'endormissement. Et le trajet était monotone! Cette méthodologie a montré sans ambiguïté des différences entre les personnes somnolentes, dont l'attention demeurait soutenue, et celles ressentant de la fatigue. Chez ces derniers sujets, les réflexes s'atténuaient; la conduite devenait erratique – en zigzag.

 

S'endormir au labo

L'étude, menée dans le laboratoire de simulation de conduite du Département de psychologie, dirigé par Jacques Bergeron, n'a pas démontré de différences significatives en fonction de l'âge des sujets, de leur sexe, de leur qualité de vie ou de leur état psychologique. Par contre, écrit l'étudiante dans une synthèse de ses travaux, «l'effet de la fatigue sur le maintien de la trajectoire se révèle plus fort chez les personnes atteintes d'apnée du sommeil par rapport à celles qui n'en sont pas atteintes, et cet effet apparaît seulement dans les 20 dernières minutes de la tâche de simulation».

L'apnée du sommeil est diagnostiquée par un pneumologue, qui constate que le patient a au moins 10 épisodes prolongés d'arrêt ou de diminution de la respiration par heure durant la nuit. Forcément, ce syndrome s'accompagne de somnolence au cours de la journée.

À cause de leur conduite dangereuse, la France et la Belgique ont adopté des mesures très strictes à l'égard des apnéiques, qui se verront interdire de prendre le volant dans de nombreux cas. La doctorante n'est pas favorable à une approche aussi coercitive, mais elle croit que les cas graves d'apnée du sommeil devraient être mieux pris en charge par les médecins.

Les conducteurs prédisposés à se laisser gagner par la fatigue doivent savoir en reconnaître les signes avant qu'il soit trop tard. «Ces résultats justifient l'importance de recommander aux conducteurs de prendre des pauses fréquentes pendant les longs voyages, et la pertinence d'augmenter la signalisation routière à cet effet. De plus, les gens qui souffrent d'apnée du sommeil devraient être informés de leur plus grande sensibilité aux conséquences de la fatigue, particulièrement lors de longs trajets.»

Mme Rizzo a rédigé deux des trois articles complétant sa thèse de doctorat. Le premier est constitué d'une revue de la littérature scientifique sur le phénomène et le second porte sur sa méthodologie. Quant au troisième, il fera la lumière sur les différences entre somnolence et fatigue.

Ses recherches sont effectuées sous la codirection de Gilles Lavigne, de la Faculté de médecine dentaire de l'Université de Montréal, et d'Eva Libman, du Département de psychiatrie de l'Université McGill.

Mathieu-Robert Sauvé